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prière à ma mère

Épitaphe

Nous vous remercions de votre présence lors des funérailles de

Marie Françoise Pothier

Elle est morte le Dimanche 1er Août 2010

                                                                                     J’avais préparé quelques lignes pour vous présenter sa vie, afin de mieux vous faire connaître celle que vous avez accompagnée pour son dernier voyage.

                                                     Marie Françoise Pothier, née Lincot, a vue le jour à Plourac’h, canton de Callac, dans les côtes d’Armor il y a quatre vingt ans. Elle était l’aînée d’une fratrie de dix frères et sœurs. Elle passa les premières années de sa vie au lieu dit de Kerouan, près de Callac. La maison familiale était une petite bâtisse de pierre, de quarante mètres carré, environ, et de plein pied. Le sol était en terre battue. Il n’y avait pas d’étage. Une grande cheminée trônait en son sein. Devant, un long banc siégeait. Toute la famille venait s’y retrouver lors des longues veillées d‘hiver. Attenant à la maison, une petite étable abritait une ou deux vaches. C’était aussi un moyen de chauffage économique. À cette époque, il n’y avait pas tout le confort d’aujourd’hui, même pas le minimum. L’eau, il fallait aller la chercher à la rivière, qui coulait en bas du champ. Il n’y avait pas non plus d’électricité, donc pas de frigidaire, pas de congélateur, pas de télévision, pas de radio, pas de téléphone, etc. je vous parle d’un temps pas si éloigné que cela, et pourtant, c’était un tout autre monde. Imaginez toutes les lessives à la main qu’il fallait faire, quand on a derrière soi, neuf frères et sœurs en bas âge. Pourtant, malgré la dureté de l’époque, on savait apprécier agréablement les bons moments que la vie vous apportait. Une fois les taches ménagères effectuées, le pain pétri, cuit, et sorti du four, on partait garder les vaches des voisins dans les champs. Marie Françoise, ainsi que ses sœurs et frères, dés l’âge de douze ans, partaient garder les vaches, ou faire d‘autres travaux de la ferme. Toute cette fratrie a toujours été très liée. Le temps n’a jamais effacé l’amour qu’ils se portaient les uns aux autres. Non seulement, l’époque était dure, où rien n’était donné, mais il fallait, en plus, aller le chercher très loin. Mais comme si cela ne suffisait pas, la guerre est venue. Une étrange guerre, insidieuse, hypocrite, honteuse, s’est installée brutalement, et une occupation lourde a envahie la patrie. Dans ce monde, qui déjà lésinait ses faveurs, l’occupation a amené encore plus de restriction. Elle se souvenait de ces tickets de rationnement et des queues interminables devant ces magasins vides, ainsi que du goût des rutabagas et de cette chicorée imbuvable qui remplaçait le café d‘antan. Marie Françoise se rappelait ce jour, où, alors âgée de dix ou onze ans, des allemands se sont présentés devant sa maison. Elle était assise sur la marche de la porte, à côté d’elle, un de ses petits frères et une de ses petites sœurs jouaient. Elle se souvenait de ses soldats inquiétants, qui lui parlaient dans une langue qu’elle ne comprenait pas. Elle eut cette forte inquiétude qui vous noue le ventre, quand l‘appréhension est à son paroxysme. Elle n’avait pas peur que pour elle, mais pour ses jeunes frères et sœurs qui ne comprenaient pas, insouciants, innocents, du danger qui les menaçait, ils ne croyaient pas encore au mal. Les allemands, heureusement, sont partis assez rapidement. Elle n’a jamais su ce qu’ils étaient venus faire jusque devant sa petite maison, qui était à l’écart du bourg. Son père et sa mère n’étaient pas là à ce moment, ce fut peut être mieux ainsi. Marie Françoise se souvenait aussi de ses parachutistes, qui se sont posés non loin de chez elle. Était-ce des américains, des anglais, en tout les cas, elle, et une de ses sœurs, ainsi qu’une de ses cousines, récupérèrent les parachutes, qui pourtant avaient été cachés, et enterrés. Elles s’en firent de jolies jupes, et de jolis corsages. À l’époque, où l’on manquait de tout, c‘était un don du ciel. Fallait-il être complètement inconscients, pour oser porter des habits en toile de parachute, facilement reconnaissable pour leur qualité, et leur douce légèreté, dans un pays occupé. Heureusement, cela n’eut pas d’incidence. Marie Françoise se souvenait aussi de ce voyage qu’elle fit avec son père à Paris, pour aller rechercher le corps d’une de ces tantes décédée. Elle fit tout le voyage en carriole, de Paris à Callac, assise à côté de la défunte: drôle de balade. Elle se souvenait aussi de ce voisin, qui, un jour se pendit pour une broutille.

                                   À la fin de la guerre, la vie aurait dû retrouver sa douceur passée, mais comme si le destin voulait s‘acharner, sa mère disparue peu de temps après. Son père, ne pouvait pas s’occuper de tous ses enfants, alors Marie Françoise, âgée d’à peine seize ans, monta à Paris, avec sa plus jeune sœur, âgée de cinq ans. C’était vraiment une autre époque, un autre monde. Marie Françoise dut ce mettre à parler le français dans cette capitale, fraîchement libérée. La capitale et Kerouan, c’était le jour et la nuit, je vous prie de le croire. Marie Françoise partit demander de l’aide chez une de ses tantes qui vivaient à Paris, de l’aide pour sa petite sœur principalement. Elle trouva un premier emploi comme femme à tout faire chez une pâtissière. C’était le seul métier que l’on proposait aux petites bretonnes, mal dégrossies. Puis, elle trouva du travail comme serveuse dans un restaurant. Là encore, c’était une autre époque. Les serveuses ne touchaient, comme seul salaire, que le pourboire que les clients daignaient leur donner. Et cela, après que les serveuses, aient fini tout le ménage de la maison. Les vitres de la terrasse se lavaient à l’huile de coude, et au blanc d’Espagne. Le sol devait être soigneusement balayé et lavé, avant d’être recouvert de sciures de bois, le comptoir en cuivre devait être chaque jour nettoyé, et briqué avec du papier journal, le derrière du comptoir était en étain, et demandait beaucoup d‘entretient. Les sanitaires devaient étincelés de propreté. C’était une autre époque, sans tous ces produits d’entretient que l’on trouve aujourd’hui. Mais tant que le ciel restait bleu, que demander de mieux. De restaurants en brasserie, Marie Françoise continuait de travailler dans cette profession dure, au rythme de douze heures par jour, samedi, dimanche et jours fériés, et parfois, avec une coupure qui vous faisait travailler de bon matin; pour finir très tard dans la nuit. Enfin, à cette époque, on prenait le travail que l’on vous donnait, sans discuter. Il n’était pas besoin de faire de longs entretiens d’embauche pour commencer. Les bureaux de placement vous envoyaient dans une maison, et vous commenciez aussitôt. À la fin de la journée, on regardait la paye que l’on vous donnait, si cela vous convenait, vous reveniez le lendemain, sinon, vous retourniez au bureau de placement. À cette époque, le chômage n’existait pas.

                                     Un jour, le ciel s’illumina d’un soleil radieux. Une vive chaleur qui vous consume de la tête aux pieds, et qui vous rend heureux embrasa la jeune bretonne, Elle venait de trouver son prince charmant. Il venait de Bourgogne, chercher lui aussi une meilleure vie à la capitale. Il était cuisinier, il était aussi riche qu’elle d’illusions et d‘espoirs. Là, le ciel, après l’ivraie, reversait du bon blé en abondance, un salaire amplement bien mérité. Mais cela ne dura pas longtemps. Alors qu’ils avaient décidé de se marier, Marie Françoise perdit son père, et comme le demandait la tradition, elle porta le deuil un an. Là, enfin, la vie aurait pu leur offrir un peu de répit, mais la guerre d’Algérie arrivait, et le prince charmant partit faire son service militaire là bas. Le service militaire durait longtemps, et c’était en période de guerre, alors, ils décidèrent encore une fois de reporter leur mariage, dés fois que. Pierre n’aimait pas la guerre, et principalement celle-ci. Il n’en parla jamais . À la fin de son service militaire, il revint à la vie civile, mais ce fut de courte durée, car il fut rappelé. Finalement, ils se marièrent enfin en cinquante huit. Deux ans plus tard, ils eurent un enfant. Sans tous ces contretemps, ils se seraient mariés bien plus tôt, et peut être, auraient-ils eut d’autres enfants. Marie Françoise, et son mari Pierre, travaillèrent durs, pour pouvoir acquérir un joli appartement dans la région parisienne. Ils en étaient très fiers, vous ne pouvez pas imaginer à quel point, et ils avaient raison. Un appartement tout confort, avec le gaz, l’électricité, l’eau courante, la télévision, le téléphone, un frigidaire, une gazinière. Quand on n’a pas connu la dureté de leur jeunesse, on ne peut pas réaliser leur bonheur. Ils travaillèrent durs pour rembourser leurs crédits, pas moins de trente ans. La vie se déroulait au rythme des transports en commun, ballottés dans des rames de métro bondées. Des longues heures de travail passées en salle et en cuisine, des fins de mois difficiles, et sans vacances. Marie Françoise se rappelait de ses visites au centre des impôts pour quémander des échéanciers, et de ses passages chez ma tante (le monde piété) pour y mettre en dépôt une bague, et quelques fourchettes en argent héritées. Une vie de dur labeur. Alors qu’ils auraient pu savourer tranquillement leurs retraites bien méritées, comme le font des milliers de personnes, ils décidèrent d’aller donner un coup de main à leur fils, qui venait de prendre une affaire de restauration. Pour lui, c’était la récompense suprême, le dernier niveau de la pyramide sociale. Cette histoire dura dix ans, avant que la maladie ne vienne frapper Pierre de plein fouet.

                                    Après de longs mois de maladie, il décéda. Ce fut un choc, une véritable apocalypse, pour tous ceux qui croyait en la vie éternelle. Marie Françoise pris la décision de revenir sur la terre de ses ancêtres, auprès des siens. Elle regrettera toujours son joli appartement de la région parisienne, tout en savourant, néanmoins, les conditions de vie de Bretagne. La vie l’avait usée, et depuis déjà longtemps, elle traînait une longue fatigue, de celle qui refuse de partir sans vous. La vie est unique, une mère est unique, rien ne pourra jamais les remplacer. Il n’y a rien de l’autre côté du miroir, rien sur l‘autre rive. Maintenant, la place est libre et le restera à tout jamais.

                                Marie Françoise, tu peux être fière de toi. Tu as toujours marché dans le droit chemin, sans jamais dévier ni te plaindre. Le souvenir de ton sourire restera dans mon cœur à tous jamais. Nous sommes en Août, le mois de ta fête, hier, cela aurait été l’anniversaire de Pierre, né un trois Août. Si la vie nous avait prêté crédit, nous aurions pu savourer ensemble la joie d’être réunie encore une fois. Mais le destin en a jugé autrement, et c’est lui qui décide. Ta vie fut bien remplie, ne regrettes rien. Tu as su profiter des rares moments de joie qui te sont passés entre tes doigts. Tu aimais bien les courses hippiques. Tu n’as jamais aimé le luxe ni le superflu, tu étais humble, même si parfois tu aimais enjoliver les contours de ta vie. Tu avais de jolis rêves, c‘était ta seule richesse. Tes frères et tes sœurs te connaissaient bien, ils t’aimaient pour ce que tu étais. Repose en paix Marie Françoise, maintenant que tu as retrouvé Pierre, plus rien, plus rien, ni personne ne pourra plus jamais vous séparer.

Ton fils que tu laisses ici bas

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