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Welcome N°2

 

   « Mesdames et messieurs, je vous souhaite le bon jour. Je m’appelle Rohan, je sors de prison. Rassurez vous, je n’ai tué personne. Non! On m’a juste incarcéré pour le seul motif que j’étais pauvre et sans domicile fixe. Vous me direz qu’à mon âge, je n’ai qu’à travailler. Oui! Mesdames et messieurs, vous avez raison. D’ailleurs, je cherche du travail désespérément. Si vous recherchez quelqu’un pour n’importe quel petit boulot, vous pouvez compter sur moi. Je ne demande que cela. Je sais cuisiner, faire le ménage, cultiver, bricoler, faire les courses. La vie ne m’a jamais fait de cadeau. Nous somme en plein hiver, et je ne sais pas où dormir. J’aurai besoin de quelques Francs pour me payer une chambre d’hôtel. Premièrement parce que la rue, la nuit, c’est très dangereux, mais aussi pour bénéficier d’une douche, et d’un coin de toilette. Je démarche tous les jours de potentiels employeurs, et la tenue compte beaucoup. J’ai déjà sur moi cinquante Francs. Je pense qu’avec vingt ou trente Francs de plus, je trouverais un petit hôtel pas cher. Oh! Bien sûr, je n’aurais pas assez pour dîner mais cela n’est pas grave, j’ai l’habitude. Je préfère, quand mes moyens me le permette, de dormir à l’hôtel. Pour aussi préserver mes habits. La présentation compte beaucoup vous savez dans la vie. Je vais passer entre vous pour prendre ce que vous me donnerez. Je vous remercie à l’avance. J’accepte les Francs, les devises étrangères, les tickets restaurant, les chèques, les montres et les bijoux dont vous n’avez plus utilité. Je vous remercie par avance de votre générosité. La vie est tellement cruelle que parfois un simple sourire égaye ce ciel si sombre. Bien sûr, cela ne remplace pas le matériel. Et oui,! Mesdames et messieurs, le monde est ainsi fait. Le cœur c’est bien, mais un estomac rempli c’est mieux. »

  le type passait tout près d‘Herbert. Il avait le visage marqué par le malheur. Le pauvre! Pensais Herbert, il finirait probablement comme lui. Alors, il lui tendit une pièce de cinq Francs. C’était déjà beaucoup, pour un fainéant, se dit-il. Lui, il travaillait pour trente Francs de l’heure. Le mendigot, d’un air badin, se les faisais en cinq minutes. Herbert regrettait à présent son geste, mais il était trop tard. Le mendigot descendit à la station suivante. Herbert le regardait monter dans une iautre rame. Finalement, pensait Herbert, il fallait être con pour passer huit heures par jour sur une chaîne de montage. Finalement, il avait eu raison de quitter sa boite. Mais! Pensait-il tout soudain, il ne l’avait pas quitté, il avait été lourdé comme un malpropre. Herbert bouillait de rage. Mais il n’avait plus le temps de se morfondre pour l‘instant, il arrivait à destination. Le métro le laissa tout prêt de chez lui. Il ne pouvait pas rentrer tout de suite. Sa femme lui demanderait certainement ce qu’il s’était passé, et il ne saurait pas quoi lui répondre. Alors, il alla boire un verre dans un petit bistro. Devant son immeuble, il y avait un camion de déménagement. Herbert se demandait lequel de ses voisins partait. Il se demandait s’il ne devrait pas lui aussi déménager, le jour où il n’arriverait plus à payer son loyer. Enfin! À chaque jour mérite sa peine. Herbert but jusqu’à dix huit heure dans ce petit bar de quartier. Sa femme lui demanderait cette fois ce qu’il avait fait. Elle s’apercevrait très vite qu’il avait bu. Alors, il irait directement se coucher, ce qui lui éviterait de donner des explications le soir même. Demain! Il aviserait. Herbert remontait les escaliers à pieds, l’ascenseur était en panne. Six étages, rien de tel pour se remettre les idées d’équerre. Arrivé devant sa porte, il eut la désagréable surprise de trouver sa porte entrouverte. Non! Il avait été cambriolé. C’est la première idée qui lui vint à l‘esprit. Il s’avançait un peu, poussait la porte doucement qui s’ouvrit lentement en dévoilant une scène anormalement claire et inattendue. La pièce était totalement vide. Cela donnait à l’espace une immensité insoupçonnée. Herbert entrait chez lui, il n’en revenait pas. On lui avait tout piqué! Il alla dans le salon, vide aussi! Il passa par la cuisine, vide! La salle de bain, vide! Il finit par la chambre, elle était désespérément vide. Il retourna dans la salle à manger, et là, sur le mur, il découvrit une lettre punaisée. Il s’approchait, éberlué, vers cette missive. C’est la seule chose présente dans cet appartement vide. Il s’approche encore. Il reconnaît l’écriture. C’est celui de sa femme Margaret. Il la lit avec quelques difficultés. Il a dû mal à voir, il devrait consulter un ophtalmo. À moins que ce ne soit l’émotion, et le stress, qui lui brouille la vue:

« Mon ami, tu fus il n’y a pas si longtemps, tout pour moi. Je t’ai aimé comme personne d’autre ne t’aimera jamais. Je n’ai absolument rien à te reprocher. Mais voilà, le temps est passé et a refroidi mon amour, au point de l’éteindre totalement aujourd’hui. Je ne sais pas pourquoi, mais j’éprouve un besoin de m’épanouir loin de ton aura. Comprends moi. Je vais m’éloigner de toi pour ne point te gâcher la vie. Je fais cela en mémoire de notre amour, qui est mort aujourd’hui, mais qui demeurera dans mon esprit pour toujours.

p.s. Tu as six mois de loyer de retard. Il fallait bien que je finance mon projet. Pardonne moi. Margaret. »

  Herbert avait arraché la lettre du mur pour la porter devant ses yeux. Il l’avait lu, mais il n’avait pas compris ce qu’elle voulait lui dire. D’habitude, la liste des courses était assez claire. Mais là! Peau de canard, il n’y comprenait rien. Mais où était-elle? Il devait quand même lui parler de quelque chose de grave: sa mise à disponibilité. Il ne savait pas comment le lui dire, et sur quel ton. Il pouvait prendre cela sur le ton de la bonne humeur, finalement, faire des trous, cela allait bien comme cela. Il méritait mieux. La preuve, son patron lui avait rédigé une lettre de recommandation aux petits oignons. Il trouverait rapidement un vrai emploi de fraiseur. Il pouvait aussi dire qu’il avait claqué la porte de lui-même. Margaret aimait bien quand il jouait les méchants. Mais bon, valait mieux qu’il dise qu’il avait été licencié afin de rassurer son épouse sur ses indemnités de chômage. Il n’avait encore jamais connu le chômage de toute sa vie. Les gars des A.N.P.E. verraient tout de suite à qui ils avaient affaire: quelqu’un de sérieux et de constant. Mais où donc était Margaret? Et cette lettre, avait-elle bue? Non! Impensable. Et son appartement vide, qu’est-ce que cela voulait dire. On avait même prit le téléphone. C’était un vieil appareil en bakélite gris vert. Un téléphone fixe des année quatre vingt dix. Il ne faisait même pas répondeur et n’avait aucun répertoire. Le voler! Pourquoi faire? Herbert se sentait tout soudain pas très bien. Il n’avait même pas un siège où s’asseoir. Pourtant, tout le poids du monde pesait sur ses épaules. Il aurait bien pleuré un coup, histoire de se laver les yeux. L’appartement vide paraissait immense à présent. Herbert déambulait de pièce en pièce sans savoir vraiment ce qu’il faisait. Margaret lui disait qu’elle l’aimait dans cette lettre. C’était bizarre! Cela faisait bien des années qu’elle n’avait pas eu de mots doux à son égard. D’ordinaire, elle l’engueulait plus souvent qu’à son tour. Herbert s’y était habitué. Il avait épousé une gueularde, il s’était fait à l’idée. D’ailleurs, n’avait-il pas entendu dire que tant que les femmes rouspétaient, c’était bon signe; et que le jour où la femme ne dirait plus un mot plus haut que l’autre, il serait déjà trop tard. Margaret, elle gueulait toujours aussi fort, et pour un oui, ou pour un non. Herbert relisait cette lettre. Il n’y avait aucun indice permettant d’expliquer ce qui c’était passé. Même les bières avaient disparu avec le frigo, pourtant, elle n’en buvait pas. Non! C’était un cauchemar qu’il faisait tout éveillé. On ne pouvait pas vider tout un appartement en si peu de temps. Et pis! Tout avait disparu, même ses affaires personnelles, ses vieilles pipes, son jeu de réussite, ses charentaises, son pyjama, son album de capsule de bière, et ses boites de camembert de collection. Même le dernier magazine télé avait disparu. Margaret ne touchait jamais à ce magazine, elle avait le sien. De toute façon, il regardait ce que Margaret mettait comme programme. On aurait même pu croire qu’elle se forçait à regarder des émissions uniquement pour emmerder son époux. Par exemple, elle adorait regarder les émissions littéraires, alors qu ’elle ne lisait jamais rien d’autre que des magazines féminins, et surtout les horoscopes. Elle regardait aussi beaucoup les émissions culinaires, alors qu’à la maison, c’était la boite de conserve l‘ordinaire. Là aussi, Herbert aurait pu en dire des choses. Margaret n’aimait pas les conserves, et pourtant, elle en achetait des stocks impressionnants. D’ailleurs, n‘allait-elle pas tous les midis déjeuner au restaurant. Non! Margaret n’avait aucune raison de se plaindre, Herbert encaissait tout sans rien dire. Finalement, il avait besoin de boire quelque chose au plus vite. Il ne pouvait pas rester comme cela sans réagir. Mais où donc était ses charentaises. Herbert aimait bien les mettre dès qu’il rentrait. Enfin! Sa femme préférait aussi qu’il mette ses chaussons dans l’appartement. Pour ne point salir, disait-elle. Ah! Le ménage, là aussi il pourrait en dire. Ce n’était qu’un prétexte pour le virer du lit le samedi et dimanche matin. Parce qu’autrement, question propreté, ce n’était pas le top de chez top. Herbert n’avait jamais fait aucun commentaire la dessus non plus. D’ailleurs, s’il avait osé dire quelque chose: qu’est-ce qu’il aurait pris. Non! Sa femme était sortie faire des courses, et pendant ce bref instant, des malfrats avaient vidé l’appartement. Herbert sortait de chez lui. Il avait un besoin urgent de boire un petit remontant. À l’extérieur, sur la pas de la porte, la concierge l’attendait. Mais que voulait-elle celle la. Ce n’était pas le jour. Mais peut être qu’elle avait aperçu les cambrioleurs. Enfin! Elle était aussi payé pour cela: surveiller les allées et venues dans l’immeuble. Ce fut elle qui aborda le premier la conversation: « Monsieur Herbert! Je suis heureuse de tomber sur vous. Je voudrais vous dire quelque chose. Vous avez cinq minutes? Oui! Parfait! Vous déménagez? Oui? Votre femme m’a pourtant dit que non ce matin, juste après votre départ, le camion est arrivé. Elle m’a dit qu’elle ne faisait que changer le salon. Elle enlevait d’abord les vieux meubles, avant d’y mettre les neufs. Moi, vous savez, depuis le temps que nous nous connaissons: j’ai confiance. Je lui ai parlé de ce petit problème de loyer, vous savez? Les arriérés. Cela ne me concerne pas, mais je me suis dit que des gens apparemment gênés pour payer leur loyers, avaient quand même les moyens de changer le mobilier. Je ne suis pas curieuse, ni indiscrète, vous le savez bien, cependant, j’ai observé particulièrement les allées et venues. Vous changez tous vos meubles? Même le lit, le frigo, la machine à laver, la télé, tout quoi. Je ne suis pas curieuse, depuis le temps que nous nous connaissons, vous le savez bien. Mais enfin! Jusqu’à cette heure, vos meubles neufs ne sont toujours pas arrivés. Vous comptez dormir par terre cette nuit? Vous savez, le propriétaire de votre appartement, je le connais bien, ses parents aussi. Il est très inquiet pour son bien, et le recouvrement de ses loyers impayés. Si vous déménagez, vous devez me régler ce que vous devez avant de partir. Je n’ai absolument rien de personnel contre vous, mais vous comprenez, cela fait également partie de mes attributions. »

   Herbert hébété se grattait la tête. Il ne comprenait pas. Margaret? Où était-elle allée? La concierge répondit qu’elle n’était pas curieuse. Elle avait bien tenté de questionner les déménageurs, mais ceux-ci avaient refusé de répondre. Herbert devait le savoir d’après elle. Il répondit que non, justement, il aurait bien voulu savoir où il allait passer la nuit. Il n’avait plus de pyjama, ni de chaussons, et pas non plus de lit. Herbert se sentait perdu. Cela faisait plus de trente ans qu’il dormait dans son lit. Non! En y réfléchissant bien, ils avaient dû en changer il y a quelques années. Herbert ne s’en souvenait plus très bien, parce que c’était sa femme qui s’occupait de tout cela. La concierge trépignait devant Herbert. Celui-ci réfléchissait toujours. Il se grattait à présent les couilles comme pour se stimuler les neurones.

 « Vingt huit mille sept cent trente cinq Francs! Que vous nous devez. Que comptez vous faire. Maintenant ça suffit! » s’emportait la bignole aussi rouge qu’une pivoine. « Ou vous me réglez tout de suite, ou j’appelle la police. Vous m’entendez! Je suis très sérieuse. Mon mari travaille comme agent de police, je l’ai prévenu, en cinq minutes il peut être ici. »

   La concierge était remontée, elle trépignait sur place, au risque de passer à travers le plancher. Herbert était tétanisé. C’était la première fois qu’il voyait sa concierge aussi énervée. Il n’osait pas bougé. Allait-elle le frapper? Finalement, Herbert sortit un chèque qu’il avait toujours en réserve dans son portefeuille. C’était en cas où! Sa femme gardait le chéquier avec elle. La concierge avait l’air circonspect. Le cheque était-il valable au moins? N’était-il pas en bois? Il ne fallait pas la prendre pour plus bête qu’elle n’était. Herbert était rouge de confusion. Jamais de toute sa vie, il n’avait été autant humilié. Il n’avait jamais émis un chèque sans provission de toute sa vie, d’ailleurs, son banquier était un ami. Elle pouvait lui téléphoner sur le champ, il était confiant, il avait du répondant. La concierge s’excusait tout soudain. Évidemment, elle n’avait jamais eu à se plaindre de ce locataire modèle, mais enfin! Elle avait quelques raisons pour être inquiète. Elle acceptait ce chèque qui était à ses yeux une preuve de bonne foie. Le propriétaire n’aurait qu’à s’arranger avec. Herbert avait du mal à rédiger ce chèque. Il ne fallait absolument pas qu’il le rate, c’était le seul qu’il avait sur lui. Et puis, il n’avait jamais écrit une pareille somme. Il demandait à la bignole qui lorgnait par-dessus son épaule, de lui répéter doucement le montant. Herbert suait, ses yeux s’embuaient, ses mains tremblaient. Mais comment donc s’écrivaient tous ces chiffres. La bignole répétait en épelant chaque lettre, puis, elle annonçait doucement chaque nombre. Finalement, le chèque fut tant bien que mal rédigé. La concierge était fier d’avoir mené toute seule sa mission à bien. Elle regardait encore le cheque qu’elle avait entre les mains, pour y dénicher la moindre faute. Non! Sans être parfait, il était néanmoins encaissable. Herbert remerciait sa bienfaitrice tout en descendant l’escalier. Elle ne le regardait même pas, trop occupé à contempler ce cheque. Elle n’en avait jamais vu d’aussi gros. La banque allait-elle payé? Elle l’espérait vivement. Herbert se retrouvait sur le trottoir groggy, mais que lui arrivait-il donc? Il devait toujours continué à cauchemarder debout. Vite! Il devait boire un petit remontant. Il devait faire une hypoglycémie ou quelque chose dans le genre. Et ce froid, toujours autant omniprésent. Herbert traversait la rue, il faisait presque nuit. Il y avait un mini square qui séparait deux bras de rues. Au milieu de cet espace vert, un jeune arbre tout biscornu qui paraissait avoir cent ans de plus. Il devait souffrir de maladie respiratoire, genre pneumonie ou quelque chose d’approchant. Même les oiseaux hésitaient à venir s’y poser dessus. Herbert voyait de l’autre côté de la rue, les lumières du bar PMU qui illuminait un morceau de trottoir et cinq guéridons. Herbert y fixait son cap. Il salivait déjà rien qu’à l’idée du petit pastis qu’il allait savourer. « Herbon! Monsieur Herbon! Ouh! Ouh! » quelqu’un l’apostrophait au loin. Herbert s’arrêtait tout net, et se retournait pour apercevoir celui qui l’appelait de la sorte. Cette silhouette lui était familière, grande, efflanquée, un peut tordu sur le côté, avec une calvitie qui découvrait un crâne proéminent. Cette tête, il la reconnaissait, avec ce nez d’aigle planté au milieu de ce visage émacié, ses petits yeux lubriques cachés par ces lunettes à double foyers au monture en crocodile. Oui! Pas de doute, c’était son ami le banquier. Herbert souriait en l’accueillant, il allait l’inviter à aller boire un petit coup. « Herbon! » lâchait le banquier haletant. « Herbon! Je vous cherchais justement. J’ai essayé de vous joindre par téléphone, mais je n’ai pas eu de tonalité. Vous êtes au courant? Monsieur Herbon! Que vous arrive-t-il? Vous déménagez? Vous en avez bien le droit, mais avant de partir, il me serais agréable que vous régularisiez votre situation. Votre femme est passé hier pour fermer tous vos comptes. Enfin non! Plus exactement, elle a vidé tous vos comptes. Vous me comprenez? Monsieur Herbon! Je vous parle. Elle a tiré tout ce qu’elle a pu prendre, même votre Assurance Vie et vos autres placements y sont passés. Évidemment, vous avez le droit de jouir pleinement de votre argent, mais vous devez également savoir que vous avez quelques petits crédits en cours, plus le montant de vos dépenses carte bleu qui n’ont pas encore été prélevés, sans parler de tous les chèques que vous avez émis, et qui ne seront pas honorés. Vous réalisez? Vous êtes à découvert à cette heure de douze mille deux cent trente trois Francs. Je ne crois pas que ce genre de découvert ne rentre pas dans le cadre de nos accords. Je vous demanderais donc de régulariser votre situation sur le champ. »

    Le banquier martelait le sol comme un sorcier qui danse pour obtenir de la pluie. Il agitait ses petits bras dans le ciel. Herbert lui proposait de lui faire un chèque immédiatement. Mince! Il n’en avait plus sur lui. Il avait fait le dernier à sa concierge. Il eut comme un flash! Il venait pour la première fois de sa vie, de faire un chèque sans provision. Le banquier le regardait de travers, le prenait-on pour un imbécile. Herbert se proposait de lui faire un chèque, alors qu’il n’avait plus de sous sur son compte. Herbert réalisait l’énormité de son propos. Non! Ce n’était pas possible, il devait continuer de cauchemarder. De l’argent, il en avait mis de côté. Pensez! Il était prévoyant. Il devait y avoir une erreur quelque part. Herbert souriait jaune à son banquier, son ami. Celui-ci le connaissait depuis tellement d’années. À chaque fois qu’il se rendait à sa banque, il n’était pas avare de bons mots. Herbert avait de l’humour, d’ailleurs, son banquier riait à chacun de ses calembours. Herbert était confus, il passerait dès le lendemain matin pour tout régler. Non! Le banquier n’avait pas l’intention de laisser partir son client sans que ce dernier n’ait payé son dû. Herbert était géné, il n’avait sur lui que quelques Francs. Si! Il pouvait donner à son banquier en guise de bonne fois, son chèque de paye qu’il avait sur lui. Le banquier ne refusait pas cette offre. Évidemment, le banquier fut déçu en lisant la somme inscrite dessus. Cela ne couvrirait qu’une partie de son découvert. Mais le banquier avait une autre garantie. Il menaçait, il y avait sur le chèque le nom de son employeur. Il allait procéder à un recouvrement directement à la base. Le banquier était méchamment satisfait, il jubilait de plaisir. Il allait directement se servir à la source. Son employeur serait certainement désagréablement surprit de constater que son employé était coupable d’indélicatesse. Mais le banquier enfonçait sadiquement le couteau dans la plaie. Il allait faire interdire bancaire Herbert pour au moins cinq ans. Maintenant, quand ce dernier voudrait quelques argents, il devrait venir l’implorer à son bienfaiteur. Le banquier aurait la décision finale. Le banquier était péremptoire, il profitait de la situation. De la salive perlait sur le coin des commissures de ses lèvres violacées. Ses petits yeux lubriques pétillaient de plaisir. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front blême. Herbert vacillait. Il remerciait son ami pour toute sa mansuétude. Le banquier réclamait à Herbert son chéquier et sa carte bleue. Herbert s’excusait, mais c’était sa femme qui avait la jouissance de tous ces modes de payement. Le banquier ne l’écoutait même plus, il s’était retourné et s’en allait sans même daigner le saluer. Herbert, arrivait au bar PMU presque à tâtons. Ce n’était pas que la nuit soit plus noire que d’habitude, non, mais Herbert avait peur de s‘évanouir et de tomber. Il se sentait vraiment pas très bien. Le bistrotier l’accueillit d’une mine renfrognée. Tout à l’heure, quand il était sorti du rade, le bistrotier avait paru soulagé. Maintenant qu’il revenait, il paraissait stressé. Mais peut importe, Herbert était un client comme un autre: il payait. Herbert commença par un pastis. Mais ici, les doses n’avaient rien à voir avec celle servies à la maison. Alors, il commandait une bière bouteille, une trente trois centilitres, une bière trappiste qui devait titrée à près de vingt degrés d‘alcool. Rapidement, l’ambiance se réchauffait. Il fit la connaissance d’une charmante brune qui avait également d’excellents motifs pour boire plus que de raison. Elle était accompagnée d’un lascar qui ne crachait pas non plus sur la boisson. Herbert s’en arrangeait assez bien, il n’était pas jaloux. Ils discutèrent longuement sur des sujets existentiels de la plus haute importance. Herbert commandait tournées sur tournées. La bière, plus on en bois, plus on l’apprécie. Évidemment, il faut régulièrement aller faire de la place au petit coin. La pendule égrainait les heures avec délectation. Elle n’avait rien à voir avec celle de l’usine. Ah! L’usine, elle se passerait désormais de ses services. Voilà! Elle était punie. Elle ne méritait que cela. Les ingrats, ils réaliseraient rapidement leur bévue. Mais ce jour là, il serait déjà trop tard. Inutile de venir le rechercher, il refuserait tout net de revenir travailler. Même si on lui doublait son salaire. Herbert avait des principes. Ses nouveaux amis étaient de son avis. La civilisation n’était pas assez digne pour les mériter. Ah! Que le monde serait idyllique s’il n’y avait que des gens comme eux. Herbert était de cet avis. Lui, c’était le champion du monde pour faire des trous. Et pas n’importe lesquels, non! Des trous de toutes les formes et de toutes les tailles. Il pouvait même les faire à vue de pif. Les trous, lui, il savait les faire. Sa voisine qui avait écoutée ses confidences depuis le début de la soirée approuvait. Même à la banque, il était champion pour faire des trous: des abysses, ses trous bancaires. Herbert rigolait, il était content. Il s’imaginait la tête de son employeur à qui on réclamerait de payer ses dettes. Il s’esclaffait de plus belle en voyant la tête de son banquier, impuissant à récupérer son argent. Ce banquier, d’ailleurs, Herbert ne l’avait jamais vraiment apprécié: mais quel con quand même. Il rigolait à chacune de ses vannes débiles. Un banquier comme cela: merci beaucoup! En plus, cela faisait des années qu’il l’appelait Herbon au lieu d’Herbert. Quand même, ce n’était pas un nom compliqué à se rappeler. Herbert après ce bref moment de joie, replongea dans la mélancolie. Mais où donc était passée sa femme. Elle devait sûrement le regretter déjà. La pauvre, pensait-il. C’était probablement à cause de ses ennuis bancaires qu’elle avait préfère fuir. Elle n’avait pas oser l’affronter et lui avouer la perdition de ses comptes. Elle avait bon fond quand même. Bien sûr qu’Herbert ne lui reprocherait rien, elle pouvait revenir tranquille. Des ennuis d’argent n’est pas mortel. Mais où donc allait-il dormir cette nuit. Chez lui? Pas question! Et si sa concierge s’était renseigné auprès de son banquier, il passerait un mauvais quart d’heure. De plus, dormir par terre, sans pyjama et sans couverture: à ça non! Sa compagne de beuverie lui demandait de remettre une tournée. Pas de problème répondait Herbert: « Tavernier du diable! À boire. » le patron de bistro n’avait pas l’esprit à la rigolade ce soir là. Il s’approchait avec sa mine renfrognée près de nos acolytes. Il demandait sèchement à être payé sur le champ. Herbert protestait vivement. Il en avait assez d’être en permanence agressé et racketté. Maintenant, cela allait changer. en premier lieu, on allait l’appeler Monsieur. Puis, on attendrait sagement que Monsieur Herbert daigne avoir envie de régler sa note. C’était à prendre ou à laisser. Non mais des fois! Il en avait marre de ne point être respecté. Quand il reçut le premier bourre pif, il ne s’y attendait pas, et il fut surprit. Ce picotement au bout du nez lui dévorait tout le visage. Il venait de perdre au moins deux grammes d’alcool par litre de sang, enfin, il avait l’impression de retrouver ses esprits. Quand le tavernier le secoua comme un prunier, là, ses idées s‘embrouillèrent de nouveau. Herbert cherchait dans ses poches le moindre argent, mais il n’en trouvait point. Son porte monnaie était aussi vide que la tête de son banquier, c’est vous dire. C’est vrai, maintenant il se rappelait. La dernière pièce, il l’avait donné en pourboire il y avait de cela près d’une heure. Combien devait-il au juste? Quoi! Mais il n’avait pas acheté le fond de commerce. Le bistrotier qui avait sûrement besoin de se défouler un peu, tapait de plus belle sur le pauvre pif de ce client fatigué. Puis, satisfait de son travail, le taulier des lieux, jetait sur le trottoir humide et visqueux, ce qui restait de ce pauvre Herbert. Une poubelle vint amortir sa chute, heureusement. Herbert se relevait. Il avait la chemise qui sortait du pantalon, et sa veste qui pendait sur les poignets. Il était vraiment sonné. Ses compagnons de beuverie virent le réconforter un peu. Ils lui demandèrent s’il voulait bien leur offrir un dernier verre dans un autre bar. Herbert les repoussait gentiment, il avait assez pris de coups ce soir là. Il n’avait plus très soif. Il titubait quelque peu. Il se demandait où il pourrait bien aller passer la nuit. Il connaissait un petit hôtel à trois pâtés de maison de là. Il ne savait pas encore comment il payerait sa chambre, mais d’ici demain, ses idées s’éclairciraient. Herbert traversait cette petite rue plongée dans la pénombre. Sur le seuil du bistro, ses copains de bar le regardaient s’éloigner avec nostalgie. Soudain! Des pneus crissaient, déchirant la relative sérénité des lieux. Des phares aveuglants perçaient la nuit opaque. Herbert ouvrait de large yeux, tous ses sens étaient en alerte. Les crissements devenaient plus intense. Herbert pressentit le danger sans pour autant en définir la source, mais une chose était sûr, cela se reprochait de lui.

Boum! Badaboum!boum!…

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