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Vins & Spiritueux

Le petit village: Extrait

Maître Henri et René arrivaient dans le tapis. Il n'était pas loin de dix heure, ils étaient ponctuels au bureau. Ils s'étaient remis dans le négoce de vin, mais cette activité connaissait la crise. En tout cas, celui de représentant de vins et alcools. Ils m'avaient racontés une de leurs mésaventures. Ils avaient eu un contrat d'exclusivité pour vendre une Côte de Bourg grand cru sur tout le dix septième arrondissement. Apparemment, cela devait être un atout. Moi, malgré toute ma bonne volonté, je ne pouvais pas proposer à ma clientèle un produit si cher. Je n'en aurais pas vendu. Pour ce genre d'article, il fallait démarcher les grands hôtels ou les restaurants étoilés. Enfin, ils trouvèrent un patron de bar restaurant qui venait tout juste d'ouvrir ses portes, et qui se laissa tenter. Pour ce restaurateur, être le seul endroit du quartier à proposer pareil produit ne pourrait être que bénéfique. Effectivement, ces premiers clients furent intéressés de découvrir un produit unique, introuvable ailleurs. Le restaurateur était un très bon vendeur. Tout neuf tout beau était la devise de la maison. Évidemment, cette clientèle de gens de la classe moyenne n'en achetait pas tous les jours. Elle pouvait même se faire garder la bouteille, si elle n'était pas finie, pour la fois suivante. Cela dura quelques temps, et puis le drame arriva. Un client de ce nouveau restaurant invitait quelques fois ses collègues de travail à venir découvrir cette Côte de Bourg exceptionnelle et exquise. Effectivement, pour le prix, elle pouvait être bonne. Ce client était très fier de sa découverte, quand un jour, arpentant les rayons de la supérette du coin, en cherchant je ne sais quel article, il tombait sur exactement la même bouteille. Quoi! S'emportait-il, ma Côte de Bourg dans une supérette. À à peine cent mètre de mon restaurant, c'est un scandale. Cela ne va pas se passer comme cela. Mais c'était surtout le prix qui l'interpellait: Quinze Francs!!! Trouvé le hic. Parce qu'au restaurant du diable, il la payait cent trente Francs. Cela faisait une drôle de culbute, non? En plus, si l'un de ses collègue tombait dessus par hasard, il n'aurait pas fini de se faire chambrer. Le client, furieux, achetait une bouteille à la supérette, et sitôt sortit du magasin, il se précipitait chez le bougnat pour avoir des explications. Le pauvre restaurateur agressé, était pris au dépourvu, il était pourtant de bonne fois, il ne savait pas quoi répondre pour s'expliquer. Quand même, c'était fort de boudin. Le cafetier avait acheté le même vin, avec la même étiquette, dans la même bouteille, et du même millésime, le double du prix que celui proposé par la supérette. Bien sûr, il ne pouvait pas le dire ouvertement, ni avouer que lui, il la vendait à un coefficient de quatre. Quand même, faire l'éloge d'un grand cru et le retrouver dans une petite épicerie de quartier, entre le Préfontaine et le vin du Postillon, il y avait de quoi être abasourdi. Le restaurateur décidait donc aussitôt, pour trouver le pourquoi du comment, de téléphoner à ces prétendus vendeurs en exclusivité. Maître Henri et son acolyte étaient eux aussi déconcertés. Ils n'arrivaient pas à pouvoir s'en expliquer. Ils se rendirent donc directement chez leur unique client, qui de surcroît était mécontent, là c‘était le comble. Ils y allèrent le contrat d'exclusivité pour tout le dix septième en main. Quand ils arrivèrent chez le bougnat, l'ambiance était surexcitée, il n'est pas besoin de le préciser. Maître Henri devant l'évidence, dû se résoudre à admettre l'impensable. La supérette vendait un produit contrefait, ou acheté au cul du camion. De toute façon, de manière totalement illégale, il n'y avait pas d'autres solutions. Il fallait appeler la police ou les douanes pour certains. Il fallait descendre dans le bouclard et tout casser pour leur apprendre l'honnêteté pour les autres. Que nenni! Répliquait Maître Henri qui venait d'avoir une inspiration. Il devait avant tout autres choses prévenir le châtelain de Gironde du préjudice dont il était victime. Il était le mieux à même à faire prévaloir ses droits. Effectivement, cette solution était de loin la mieux appropriée. Mieux, s'ils arrivaient à démontrer la fraude, ils pourraient faire l'objet d'un article dans le journal local: Les gens d'un quartier de Paris se mobilise pour mettre un terme à un trafic de vin. Article complet et photos des héros en première page. Ils pourraient même faire le J.T. de vingt heure sur la une ou sur la deux. Maître Henri prit donc son téléphone portable, et composa le numéro du propriétaire du château de Bordeaux. Celui-ci devait certainement avoir passé une mauvaise nuit, car il était de forte mauvaise humeur. Il maugréait de sa voix rocailleuse son impatience. Maître Henri qui avait un vocabulaire lénifiant à souhait quand les circonstances l'exigeaient, lui expliquait la situation. Il avait trouvé des bouteilles de son château dans une petite épicerie du coin. Évidemment, il avait pris les devants en l'appelant séance tenante, lui seul, en tant que propriétaire de l'appellation contrôlée pouvait faire intervenir les douanes, et faire cesser immédiatement ce trafic. Le mec à l‘autre bout du fil ne comprenait pas très bien à qui il avait affaire. Des représentants, ce n'est pas ce qui manquaient de par chez lui, précisait-il. Il en voyait plus que des alouettes à l'ouverture de la chasse. Maître Henri se présentait de nouveau, il paraissait vexé qu'on ne le reconnaisse pas du premier coup. Comment pouvait on l'oublier si vite. Le contrat était récent, et signé de la main même du propriétaire du cru. Oui, reconnaissait le vigneron qui commençait à perdre patience. Il signait des contrats d'exclusivité pour une aire géographique bien déterminée. Où était le problème? Lui, le marquis, (C'est comme ça que le vigneron appelait Maître Henri) avait eu comme territoire de prospection tout le dix septième, c'était un fait établi et signé sur contrat. Maintenant le châtelain se souvenait de lui, car il le lui fit savoir. Il lui demandait s'il était bien le gros bonhomme à la trogne de citrouille d'halloween, qui était venu le voir il y a un mois accompagné par un petit maigrichon au teint verdâtre qui ressemblait à un cornichon tout desséché. Maintenant le vigneron se souvenait très bien de lui et de ses manières. C'est pour cela qu'il l'avait surnommé le marquis. Il lui demandait si cela ne le dérangeait pas, parce que les noms, il avait du mal à s'en souvenir. Maître Henri répondu poliment que non, mais on voyait bien qu'il avait été piqué au vif. Enfin! Reprenait le vigneron qui devait être entre deux vins, qu'est-ce qui ce passait à Paris? On avait repris la Bastille ou quoi? Lui, il s'en foutait, il était Girondin. Maître Henri lui rappelait les termes de son contrat. Le fait qu'il est découvert un vin de même appellation que le sien, sur son territoire de prospection, dans un magasin de détail, à un prix tellement ridicule pour être honnête, l'avait surpris pour ne pas dire interloqué. Le vigneron maugréait qu'il allait se renseigner et qu'il tiendrait au courant le marquis machin bidule, c'était promis juré, mais pour l'heure, il avait du pain sur la planche. Maître Henri insistait, il précisait qu'il n'était pas seul, mais qu'à ses côtés se tenait un de ses clients mécontent d'avoir trouvé le même article que le sien, à moindre coût dans une épicerie douteuse. Le vigneron qui avait du mal à émerger, redemandait le blase de machin bidule, son représentant exclusif. Maître Henri rougissait de honte. Il lui redit son nom: Henri de Frontigac des Combes de la roche Aubrais; et le numéro du contrat qui les liait, et le quartier de Paris dans lequel il oeuvrait. Le vigneron demandait alors le nom de la superette qui vendait son vin. Peut être que cela lui donnerait plus d'information. Quand Maître Henri lui dit le nom de l'enseigne, le vigneron eut une révélation. Oui! Effectivement, cette enseigne faisait partie d'un groupe avec lequel il travaillait. Où était le problème? Maître Henri cru s'étrangler. Derrière lui, le patron du restaurant trépignait d'impatience. Il voyait même rouge, et c'était à cause de son Bordeaux unique au monde qu‘il avait payé une fortune. Il trouvait maintenant que ce soit disant grand cru avait le même goût sirupeux et imbuvable de son viticulteur. La clientèle qui ne cessait d'arriver, prenait également partie. En deux mots comme en cent, une révolte montait doucement et irrémédiablement. Maître Henri cherchait à faire prendre conscience à son interlocuteur de la faute délictuelle qu'il avait commise. Le vigneron montait sur ses grands chevaux, le contrat d'exclusivité, comme il était bien stipulé dans un de ses paragraphes, ne portait que sur les personnes physiques et non pas sur une entreprise commercial. Et sur la question du prix, il avait aussi une explication à fournir. Cette multinationale avait différents points de vente, et plusieurs enseignes de différentes marques dans tout le pays. Il avait un contrat en bonne et due forme avec elle. Celle-ci venait sur place et lui achetait le vin en container entier. Elle se chargeait elle-même de la livrer vers ses usines d'embouteillage. Elle avait sa propre usine de bouchons et d'étiquettes. Cette société lui achetait par an un tiers de sa production. Cela valait bien un prix en correspondance. L'année dernière, elle lui avait acheté cinq cent mille litres. En revanche, pour satisfaire les commandes des petits représentants de commerce, le château devait acheter les bouteilles vides, puis les remplir, payer les bouchons, les étiquettes, puis payer un transporteur, plus louer un entrepôt à proximité des lieux de prospection, plus rétrocéder un pourcentage sur le prix des ventes. Par exemple, sur le prix hors taxe d'une bouteille de Côte de Bourg, le représentant touchait quatorze pourcent: c‘était pas mal pour ce qui lui restait à faire. Il fallait bien que le château répercute tous ces frais sur son prix de vente. Maître Henri se sentait de plus en plus gêné, il ne savait pas où se mettre. Il y avait des discussions professionnelles qui valaient mieux entretenir en privé, plutôt que sur la place publique. Le vigneron pour en finir, portait l'estocade finale. Il demandait à son petit représentant de merde, de combien de bouteilles il avait jusqu'à ce jour vendu. Un ange passait interminablement dans la pièce enfumée et silencieuse. Maintenant qu'il était bien réveillé, le vigneron répondit: trente six bouteilles, trois cartons de douze en tout et pour tout. À se compte là, il devrait augmenter le prix de la bouteille pour que ce marché reste rentable. Il continuait enfin en demandant combien le cafetier vendait son vin. Il en avait assez que l'on tape sur les exploitants qui travaillaient toute l'année pour produire un vin de qualité, et qu'un vinassier s'engraisse sur son dos. Sur ces paroles: il raccrochait. Maître Henri rougissant, souriait bêtement à son ancien client qui n'en avait pas fini avec lui. René qui jusque là n'avait pas bronché, reprochait à son coéquipier d'avoir importuné leur fournisseur. Il leur serait maintenant difficile d'obtenir une quelconque livraison.
Jacques entrait dans le bar l'air enjoué. Il saluait ses potes qui étaient déjà là à l'attendre autour d‘un jeu de carte. Puis, il allait saluer Henri et René. Il les charriait un peu, il aimait bien les taquiner un brin. Maître Henri de par son vocabulaire réussissait assez bien à ne pas trop se faire bousculer. Il savait se faire respecter suffisamment pour que la situation ne dégénère pas. René quand à lui acceptait cette domination. On se serait cru dans une meute d'husky, ou chacun cherche sa place dans la hiérarchie, en se mordillant les mollets. Jacques demandait à ses deux amis s'ils ne manquaient de rien. S'ils avaient besoin d'un peu d'osier pour faire le plein de leur sapin, ils n'avaient qu'à le lui demander. Maître Henri trouvait étrange que Jacques soit si intéressé par leur auto. Ce n'était qu'une petite citadine qui n'était même plus côté. Pourquoi qu'à chaque fois qu'ils se croisaient depuis un certain temps, Jacques ne parlait que de leur voiture. Maître Henri, pour connaître Jacques suffisamment depuis déjà deux décennies, savait que ce n'était pas innocent. Mais il ne voyait pas vraiment où il voulait en venir. René souriait niaisement en remerciant leur ami si dévoué. Non, ils ne passeraient pas à la pompe avant la semaine prochaine. Mais c'était gentil de le proposer, peut être que lundi, ils viendraient le taxer, puisqu'il le proposait si gentiment. Jacques se mit à rire grassement, ses amis étaient impayables, ils ne se doutaient de rien. Ils prenaient la vie comme elle s'offrait à eux. Il fallait qu'ils en profitent, parce que cela n'allait pas durer éternellement. Le petit gros vint chercher Jacques, il avait des trucs à lui dire. Dans la vie, il y avait des moments pour rigoler et d'autres pour usiner. Là, en l'occurrence, il y avait du turf sur le coin du feu dont il fallait s'occuper avant que le soufflet ne tombe. Maître Henri restait perplexe, mais qu'avait il donc à parler sans cesse de leur plein d'essence. Gorgâni, Ricci, Lucio rentraient dans le bar, ils discutaient toujours boulot. Gorgâni engueulait Ricci: Mais que lui avait-il pris de vouloir toucher au compteur électrique du garage. Maintenant, il pouvait être content, il n'y avait plus de courant nul part. Travailler dans le noir n'était pas évident. Ricci jouait des castagnettes avec ses doigts à hauteur de ses oreilles. Il bafouillait un peu. Il avait un embouteillage de mot dans la gorge, et ceux-ci sortaient au compte goutte et dans le désordre: « Heu! Heu! Le compteur... fallait bien le peindre. Moi je travaille bien, je ne fais pas du travail d'Arabe. » Saïd qui était déjà là, un verre à la main, intervenait: « Pourquoi tu dis travail d'Arabe. Moi je suis un Arabe et j'ai toujours très bien travaillé. T'es raciste ou quoi. Je n'aime pas qu'on dise ça. Enfin, ça veut dire quoi ça. Pourquoi tu ne dis pas travail de Portugais, ou travail de Français. C'est kif kif. »
-Ricci: « Mais je dis pas ça pour toi. T'es con ou quoi? C'est dans la langue française ça. C'est écrit en toute lettre dans les livres. Apprends donc l'école avant de me dire comment parler. Moi je cause le Français dans les textes. Tu me parles, et maintenant je ne sais plus où j'en étais. »
-Lucio: « Tu disais que t'avais foutu le feu au garage. »
-Gorgâni: « Quoi le feu! Je n'ai pas vu de feu, que du noir. »
-Ricci: « Ne dis pas de connerie! Le feu il a pas pris. Il aurait pu prendre mais il n'a pas pris. C'est le caoutchouc des gaines qui a pris feu, c'est tout. C‘est pas grave. J‘étais là. »
-Saïd: « J'aime pas qu'on dise travail d'Arabe. »
-Lucio: « Heureusement qu'il n'y avait rien à brûler, sinon... Enfin, qu'est-ce que cela a fait comme fumée. Le plafond, il va falloir que tu le refasse. »
-Gorgâni: « Quoi la fumée? Qu'est-ce que tu dois refaire. Va ci, expliques moi comment c'est arrivé. »
-Ricci: « Le compteur fallait bien le repeindre. Moi je travaille proprement. Tu ne peux pas peindre le compteur sans le débrancher. Mais si tu le débranches, tu ne vois plus rien. Moi, j'aime bien voir ce que je fais. Déjà qu'avec les tuyaux du plafond je ne voyais déjà pas. Alors qu'il y avait de la lumière, alors sans lumière, je ne te dis pas. »
-Saïd: « Moi je ne comprends pas pourquoi quand un Français fait du mauvais travail, il dit travail d'Arabe. Il pourrait dire travail d'Arabe quand c'est bien fait. Cela ne vexerait personne. Pourquoi quand il travaille avec un Portugais il ne dit pas travail de Portugais. Ça, ce serait plus juste, puisque par exemple, moi qui suis Arabe, je n'étais pas là. »
-Gorgâni: « Mais qu'est-ce que tu as foutu avec ce putain de compteur de merde. Tu m'as dis de racheter des plombs, O.K. Mais si ce sont les câbles qui ont brûlés, alors là, il faut appeler E.D.F. Les proprios s'impatientent. J'ai trois semaines de retard sur ce qui était prévu. Ils ne me payeront jamais. Le plafond: il est beaucoup endommagé? »
-Ricci: « Mais non! N'écoute pas les conneries de l'autre. Le plafond, en deux ou trois coup de pinceau, il est comme avant. Mais si tu veux du bon travail, puisque on doit y retoucher. On peut le refaire entièrement avec de la peinture qui tienne mieux que l'autre. Puis, si j'ai des bons pinceaux, je refais aussi les tuyaux, parce que les tuyaux, ils ne sont pas beaux du tout. Moi, je suis perfectionniste tu sais. »
-Gorgâni: «  Oui! T'es intelligent toi! Puis après on refait le sol, pourquoi pas. Ça nous fera passer le temps. Parce que de la façon dont vous travaillez les gars, il y aura plus de peinture par terre qu'au plafond. »
-Saïd: « Ça, c'est du travail d'Arabe fait par les Français. Alors qu'un Arabe ne travail jamais comme un Français, mais comme un Arabe. Y a de quoi être fier. »
-Ricci: «  Tu nous lâche toi! On ne t'a pas sonné. Moi je dis Arabe parce que c'est comme ça qu'on dit dans le métier. Je ne suis pas raciste, je dis comme on dit, et puis merde à la fin. Tu ne vois pas qu'on a d'autres problèmes plus urgents à régler. »
-Gorgâni: « Je vais appeler E.D.F. Ils sauront quoi me dire eux. J'espère que le plafond n'est pas trop atteint, sinon, t'imagines, je vais devoir relouer un échafaudage. Si ce n'est que de la fumée, avec un peu d'eau et de l'huile de coude ça partira. »
-Lucio: « Ne compter pas sur moi pour réparer les conneries de l'autre abruti, ça va, j'ai assez donné. »
-Ricci: « T'inquiètes pas, je vais tout arranger. Tu me trouves un échafaud et puis tu rachètes trois bidons de peintures, avec ça j'en aurais assez, deux bouteilles de White spirit, un rouleau en peau de mouton, ça c'est important, tu te rappelleras? Deux brosses, une grande et une moyenne, un pinceau rond et un plat. Voilà, dans trois jours c'est tout refait à neuf. Moi je suis comme ça, je ne travaille pas comme un Arabe. »
-Saïd: « Vous feriez mieux de faire directement appel à des peintres Arabes. Là au moins, vous auriez du travail d'arabe, mais qui serait bien fait. Parce que si vous demandez à des Français de faire du travail d'Arabe, là, évidemment, ils ne savent pas le faire, et vous aurez toujours du mauvais travail. Un travail d'Arabe fait par un Français ce n'est pas du travail, et en plus, cela vous coûte plus cher. »
-Gorgâni: « Toi, t'es intelligent tu sais. Tu comprends vite, si on t'explique longtemps. Hein Ricci! Et pourquoi pas racheter un garage tout neuf, pendant qu‘on y est. On gagnerait du temps et de l'argent. »
-Lucio: « Moi je m'en fout, parce qu'on dit toujours qu'un Portugais il travail toujours très bien. Dés qu'on dit qu'on connaît un Portugais qui sait faire de la peinture, du carrelage ou du staff, on est sûr d'avoir un bon travail. Moi, on me recommande partout»
-Saïd: « Moi je ne comprends pas pourquoi on dit ça, on est tous des humains quand même. »
-Lucio: « Tu veux appeler E.D.F. c'est bien, mais qu'est-ce qui vont te dire E.D.F.: que tout le système date de Mathusalem, qu'il est tout pourri, et que tu dois tout remettre dans les normes pour obtenir leur agrément. Tu ferais mieux d'appeler les pompiers directement, je dis ça pour l‘assurance pardi! Tout est pourri dans ce garage. Pour refaire le câblage, il faudrait creuser des sillons dans les murs. Tu vois le travail? Refaire tout ce qu'on a déjà fait. Moi j'en ai marre. Moi, à ta place, je tirerais deux trois câbles par là et je les brancherais ni vu ni connu. Je me suis déjà branché sur le palier, de mon immeuble, je sais qu'on peut le faire. Dés que la lumière revient, tu changes quelques ampoules par des moins puissantes. Dans un garage, il n'est pas obligatoire d'y voir bien clair. De toute façon, les voitures ont toutes des phares. Tu montres le chantier à tes clients, tu encaisses, et au revoir tout le monde. On se casse et on va travailler ailleurs»
-Gorgâni: « Ouaih! Tu ne parles pas beaucoup Lucio, mais quand tu l'ouvres, on n'est pas déçu. C'est très bien cette idée. Je m'étonne de ne pas l'avoir eu moi-même. Allez les gars, cet après midi on nettoie tout, et dés demain à la première heure, je passe à la caisse. Ce chantier: y en a marre comme tu dis. »
-Lucio: « Pour nettoyer tout ce bazar, ça va pas être facile: y'a plus d'eau non plus. »
-Gorgâni: « Comment ça y'a plus d'eau? »
-Ricci: « Ben! Gorgâni, tu va croire à la malchance, mais quand j'ai voulu peindre la tuyauterie, j'ai malencontreusement casé un tuyau. Rien ne tient debout dans ce chantier. Tu sais, j'ai voulu peindre le dessous du tuyau, et comme il y avait de la vieille peinture qui ne voulait pas partir, je l'ai gratté avec une raclette. J'aurai eu un grattoir ou un couteau, cela serait parti tout de suite. Mais avec une raclette à enduit, j'ai esquinté le tuyau. D'après moi, c'était la crasse et la rouille qui faisaient tenir tout ça debout. C'est un tuyau d'arrivée d'eau en plus: t'imagines? Pas de bol. Si c'était un tuyau d'écoulement, ça aurait été moins grave. Le tuyau il fait au moins vingt mètre avec des tas de raccords qui vont dans tous les sens, et aucun qui se dévisse. Il l'on fait exprès pour emmerder le monde. Moi pour faire une soudure, si j'avais eu le matériel, j'aurais pu le faire. Mais là, sans outils, je ne voyais pas très bien comment faire pour boucher le trou. Alors, j'ai coupé le général. Mais là aussi y'a des fuites, sûrement le joint qui est mort. Je ne comprends pas, j'ai coupé le général, et ça coule encore. Heureusement qu'il n'y a plus de pression, sinon tout le garage serait sous l'eau. »
-Gorgâni: « Comment ça coule encore? T'es pas capables de fermer un robinet d'eau ou quoi? Y'a pas de l'eau partout dis? Dites les gars, rassurez-moi, vous allez me rendre fou. »
-Lucio: «  Non, on peut pas dire ça. Le premier niveau est au sec. C'est quand on descend au second, vers, tu vois? La salle des machines. Et bien là: on patauge un peu, mais je te rasures, on a pied quand même. Enfin, pour le moment. C'est pour ça que dans un sens, qu'il n'y ait plus de courant, moi ça m'arrange. Parce que l'eau et l'électricité, ça fait pas bon ménage il parait. »
-Gorgâni: « Dites moi les gars où je peux faire visiter mes clients exactement. Cela sera plus simple. Sans lumière et les pieds dans l'eau, je crains qu'ils ne toussent un peu. Alors, vous avez une idée mes petits futés? J'ouvre le garage, je leur demande de me payer et je me sauve comme un voleur. C'est comme ça que vous voyez la fin de l'histoire? Je suis connu dans tout Paris, vous voulez me griller dans le métier ou quoi. Ils ne me payeront jamais. Même en plein jour, sans lumière on ne voit rien. Ils vont se douter de quelque chose, c‘est sûr. Dis moi Ricci, si je te trouve un fer à souder tu peux réparer? »
-Lucio: « Ce jour là, tu me préviens à l'avance que je puisse avoir le temps de quitter la Capitale. Moi, les explosions de gaz, je préfère être loin pour les voir. »
-Ricci: « Ben! Je crois que l'installation de gaz a souffert aussi. Tout est pourri dans ce garage je te dis. Moi, au début, je croyais que c'était un vieux tuyau qu'on avait oublié d'enlever. Tu sais, moi je travaille proprement. Je voulais bien faire. Je me demandais ce qu'un tuyau d'eau pouvait bien faire à un endroit où y'avait ni robinet ni évier. J'ai voulu l'enlever, mais heureusement, je n'ai pas pu. Je me suis aperçu avant que c'était un tuyau de gaz, à l'odeur. Tu vois le réflexe? J'ai bien fais non? »
-Gorgâni: « Comment ça à l'odeur, de gaz? Ne me dit pas qu'il y a aussi une fuite de gaz au garage? »
-Ricci: « C'est bizarre! Tu vas rire, j'ai un tuyau qui longe un mur, je ne sais pas d'où il vient ni où il va. Y'a aucun robinet d'arrêt. Mais effectivement, il sent le gaz, mais je ne sais pas d'où vient la fuite. Si j'avais eu un briquet sur moi, je l'aurais passé au dessous du tuyau. Comme ça, j'aurai vu le souffle du gaz agiter la flamme, et j‘aurai su où était le trou. J'ai vu mon garagiste faire cela pour trouver un trou dans mon pneu de voiture. Je suis malin, non? »
-Gorgâni: «  Vous savez pas les gars, et si j'appelais les pompiers finalement, et que je leur rendes les clés du garage, qu‘en pensez vous? Ils en feront ce qu'ils voudront. Moi, j'abandonne. Dans mon malheur je peux m'estimer heureux d'être encore en vie. Parce que travailler avec une équipe comme vous, on risque la mort à chaque instant. Vous ne croyez pas les gars. On est pas payé cher, mais qu'est-ce qu'on s'amuse bien. D'ici que les clients me demandent de leur rendre les acomptes qu'ils m'ont déjà versés, plus des dommages et intérêts, n'y a pas loin. Marc! Remets nous une tournée et ouvres moi un compte. Je crois que je vais être gêner pendant un certain temps. »
Philibert, Bernique, et jean Batiste arrivait dans le zinc en même temps, et tout naturellement se dirigèrent vers Henri et René pour leur dire bonjour. Bernique et Philibert continuait leur projet de parfum, mais Bernique avait également repris la vaisselle en cristal de bohème de Monsieur René. Ce dernier avait accepté avec soulagement que Bernique lui rachète les droits d'exploitation, enfin à crédit, bien évidemment. Bernique était sûr de pouvoir en vendre. Il se croyait toujours plus malin que les autres. Jean Batiste avait réussis à soutirer un peu de liquidité à sa bien heureuse veuve. Je l'avais pris dans un coin, et je lui avais demandé de me régler les arriérés de Philibert. S'il voulait un jour espérer récupérer les bénéfices de son investissement, il lui serait préférable de conserver son créateur artistique en entier et en liberté. Philibert lui avait même donné son accord sur le principe. Pour travailler sereinement, il leur fallait trouver un local pour abriter leurs petites réunions de chantier...à suivre

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